Mots et images de la fracture urbaine

Mots et images de la fracture urbaine

Mots et images de la fracture urbaine

By : Elena Chiti

Compte rendu de lecture du livre Véronique Bontemps, Franck Mermier, Stéphanie Schwerter (dirs.), Les villes divisées. Récits littéraires et cinématographiques, Presses Universitaires du Septentrion, 2018.

Nombre d’ouvrages, notamment en anglais, abordent le sujet des villes divisées en se penchant sur des cas d’études ponctuels, qui deviennent autant des terrains ethnographiques (Carabelli 2018, Harms 2011, Samara 2011). La particularité des Villes divisées dirigé par Véronique Bontemps, Franck Mermier et Stéphanie Schwerter est l’intention de saisir les fractures urbaines à travers leur mise en récit. Comme le souligne Mermier dans l’introduction, le livre s’inscrit dans un « retour à la fiction » des sciences sociales, démarche qui peut désormais s’appuyer sur une riche bibliographie, notamment en français (Peraldo 2016 ; Choné et alii 2015 ; Madœuf et Cattedra 2012 ; Topalov et alii 2010 ; Dodi 2010 ; Jouhaud et alii 2009 ; Mondada 2000).

Cet angle permet d’étudier à la fois des villes spécifiques et des lieux symboliques de la fracture : de la banlieue au quartier résidentiel fermé. Entre ces deux pôles, on explore les concepts de centralité et de marginalité de manière dynamique, en soulignant les reconfigurations spatiales, sociales, voire même émotionnelles. Le mouvement émerge comme élément central des contributions : on négocie la fracture en l’acceptant, en la contournant, parfois en franchissant la ligne, mais aussi en construisant son appartenance à l’autre côté, voire en la simulant, ce qui peut engendrer une fracture du moi. L’apprentissage des divisions urbaines a aussi une dimension genrée, saisie par l’analyse des féminités, mais aussi par quelques réflexions sur les masculinités, le corps et la sexualité. Si la géographie de la violence et de la discrimination a une place importante, on aborde aussi des divisions dues aux caractéristiques mêmes des métropoles modernes, comme la fragmentation, voire l’individualisation, de l’espace et du temps vécus.

Organisation des Villes divisées


Les quinze chapitres du livre sont regroupés en quatre sections thématiques : « Franchir la ligne », « La ville disséminée », « Espaces urbaines et violence » et « Réfractions urbaines ». La première section tourne autour du passage de la frontière, physique ou symbolique. Les quatre contributions étudient des récits littéraires en parallèle avec des réalités urbaines : le Harlem de la fin des années quarante sous la plume de Simone de Beauvoir ; le Caire dans les nouvelles de Yūsuf Idrīs ; Ramallah et son image chez le romancier ‘Abbād Yaḥyā ; Bogotá chez les romanciers Laura Restrepo et Juan Gabriel Vásquez. Les chercheurs, comme les auteurs qu’ils analysent, semblent se caler dans la ville en tant que pratiquants ordinaires, selon la perspective de la promenade explorée par Michel de Certeau dans L’Invention du quotidien. La marche occupe en effet une place prépondérante dans ces études, avec l’assise dans les cafés ou la fréquentation des lieux publics, et le contact avec les habitants. L’expérience individuelle de la fracture urbaine émerge aussi dans l’attention aux émotions qui l’accompagnent : le doute, la peur, la tension du dépaysement, mais aussi, parfois, le bonheur de franchir la ligne.

La partie suivante, consacrée à « La ville disséminée », semble quitter la perspective individuelle pour adopter une optique spatiale, parfois topographique. Ses quatre contributions analysent respectivement Los Angeles chez les romanciers Karen Tei Yamashita, Sesshu Foster et Vanessa Place ; Dublin dans le roman The Swing of Things de Sean O’ Reilly ; la banlieue de Paris au prisme du film La Haine de Mathieu Kassovitz ; et enfin le quartier résidentiel fermé, sur la base d’un riche corpus de récits littéraires et cinématographiques latino-américains. Dans cette section, la frontière est envisagée dans sa dimension sociale de marge. Plus qu’une ligne à franchir, les chercheurs l’abordent comme un écart, un interstice qui crée une séparation en façonnant l’espace tout autour. C’est la notion de zone qui est alors mobilisée, ou celle de milieu, voire d’entre-deux. Dans le cas de la métropole, où les espaces semblent disloqués, on conjure l’éclatement par une juxtaposition virtuelle, qui permet d’envisager l’appartenance à une totalité. Même dans la hiérarchie sociale émergeant de la banlieue ou du quartier fermé, on parvient à ramener le lieu circonscrit à l’espace dont il est séparé et dont il a besoin pour donner du sens à sa séparation.

Dans « Espaces urbains et violence », la division n’est pas le résultat d’une fragmentation sociale, mais une partition délibérée qui fait suite à un conflit et finit par l’inscrire dans le tissu de la ville. Les trois contributions de cette section abordent Belfast entre le roman Eureka Street de Robert McLiam Wilson et son adaptation à l’écran ; Jérusalem dans les écrits de deux écrivains palestiniens en Israël, Sayed Kashua et Riyad Baydas ; et, enfin, la chute du mur de Berlin dans le roman Nox de Thomas Hettche. Les œuvres abordées ne se présentent pas comme les récits totalisants d’une ville, capables d’en résumer l’esprit, mais comme les chroniques d’une rupture. Les chercheurs analysent des césures à la fois matérielles et identitaires, comme si la coupure, avec sa violence, ne pouvait que couper aussi les vies des habitants. La division, en ce cas, ne peut se recomposer. Non seulement elle dresse une ligne infranchissable, mais elle rend impraticable la dimension de l’entre-deux, tout en empêchant la double appartenance aux zones qu’elle sépare ; comme chez l’enfant moitié juif moitié arabe de la nouvelle de Sayed Kashua, qui parle hébreu et vit à Jérusalem ouest le jour, avant de devenir un palestinien qui vit dans la partie est à partir de minuit. Cette césure du moi, qui semble empêcher une pratique ordinaire de la ville, ne peut s’accompagner d’un point de vue d’en bas et de l’intérieur. Les chercheurs relèvent en effet une distanciation, qu’elle soit le fruit de l’ironie ou d’un regard à vol d’oiseau – comme dans le cas emblématique du roman de Thomas Hettche, où le narrateur regarde Berlin de l’au-delà.

La quatrième et dernière partie s’intitule « Réfractions urbaines » et porte sur l’analyse de dynamiques engendrées par la vie en métropole, depuis la fin du XIXe siècle. Dans les quatre contributions qui la composent, l’aspect thématique est central, alors que les villes sont abordées comme les toiles de fond d’expériences que l’on veut généralisables. On commence par une analyse de l’ennui comme effet de la modernité urbaine, dans des villes emblématiques telles Londres et Paris, à travers un corpus d’écrits en poésie et en prose allant de la fin du XIXe siècle à la moitié du XXe. On reste à Londres, pour étudier l’enchevêtrement d’ancien et moderne dans la ville qui évolue sous le regard de Virginia Woolf. On aborde ensuite la dimension spatiale de la marginalisation au prisme des représentations de Cologne et Berlin dans le cinéma de Doris Dörrie. Enfin, le même thème est creusé à travers deux films sur la banlieue mettant en scène Los Angeles et Paris. Le point commun de ces contributions est l’attention simultanée aux mutations urbaines et à leurs effets sur les corps et les esprits des habitants. Si l’évolution de la ville moderne, avec l’émergence des transports en commun, permet en principe une circulation rapide et fluide, cette fluidité se heurte sur le terrain aux divisions sociales, qui ferment certains espaces pour certains acteurs. Le regard est donc dédoublé : entre une optique cartographique, qui décloisonne l’espace, et un apprentissage social, qui le rétrécit. Ce décalage est étudié en sens dynamique, comme une dimension à la fois internalisée et contestée par les habitants, qui ne cessent de renégocier leur mouvement et leur appartenance à la ville.

Le défi interdisciplinaire


Si la subdivision thématique du livre est convaincante, on peut regretter qu’elle ne soit pas présentée aux lecteurs de façon explicite et que l’intéressante réflexion théorique amorcée par Bertrand Pleven – sur la distinction entre villes divisées, duelles, fragmentées et partitionnées (divided, dual, fragmented, et partitioned cities) – n’ait sa place que dans sa propre contribution. De même, une mise en perspective historique aurait pu permettre de mieux apprécier globalement les contributions, dont les sources s’étalent sur plus de deux siècles, en accompagnant l’évolution de la ville moderne jusqu’à aujourd’hui.

En revanche, le choix des récits par lesquels on aborde les villes divisées est stimulant : aux fractures urbaines correspond une fragmentation du discours qui les relate. Poèmes, nouvelles et court-métrages trouvent leur place à côté de films et romans. Ces derniers mêlent les codes narratifs, en puisant dans le théâtre, le reportage, le script, voire en reproduisant images et cartes. De même, les récits cinématographiques jouent sur l’articulation des plans et la multiplication des perspectives, en transformant le collectif en une somme impossible d’expériences individuelles. En effet, l’intérêt du livre n’est pas dans une prétention à l’exhaustivité, d’ailleurs jamais affichée, mais dans les pistes de réflexion offertes par une juxtaposition d’approches du même espace. Le même lieu est parfois exploré par plusieurs chercheurs, sur la base de sources fictionnelles différentes et en des temporalités disparates. Le lecteur peut ainsi s’approprier le livre, en construisant son parcours de lecture autonome. Los Angeles, Londres et Paris sont couverts par plusieurs contributions et sous plusieurs angles. On peut également rapprocher des villes appartenant à la même région du monde, en créant les binômes Belfast-Dublin et Jérusalem-Ramallah, ou alors faire dialoguer le Bogotá ou le Berlin romanesques avec, respectivement, le chapitre sur la représentation littéraire et cinématographique de l’espace latino-américain et celui sur l’espace allemand.

Sur le plan méthodologique, Franck Mermier présente en ouverture un aperçu des rapports entre histoire, anthropologie, géographie et, de l’autre côté, littérature dans l’approche de la ville. Il montre l’évolution de ces rapports au fil du temps par des renvois bibliographiques minutieux, en prônant un décloisonnement disciplinaire pour mieux saisir, par le biais de l’imaginaire, des espaces aussi fragmentés que multidimensionnels. Si l’on peut regretter que, parmi les contributeurs du livre, on compte un seul géographe et aucun historien, les littéraires et les anthropologues sont en revanche bien représentés. Dans plusieurs cas, l’interdisciplinarité se réduit à de la multidisciplinarité, en résultant du rapprochement de chapitres distincts, chacun basé sur une analyse où seuls sont empruntés les outils d’une discipline spécifique. Le dépassement des frontières disciplinaires émerge parfois dans un seul et même chapitre, par le jeu ponctuel de renvois entre réalités textuelles et expériences de la ville. C’est le cas notamment des contributions remarquables de Mariangela Gasparotto et Gregor Schuhen. La première explore la perception du roman Rāmallah Shaqrā’ (« Ramallah la blonde », 2012) de ‘Abbād Yaḥyā chez des habitants de Ramallah, en repensant la distinction entre dedans et dehors, local et étranger au moment où la ville palestinienne se peuple d’expatriés en lien avec les organisations internationales. La seconde creuse le rapport entre fiction et non-fiction pour interroger le décalage entre le langage allégorique du film La Haine (1995) de Mathieu Kassovitz et sa réception réaliste au sein de la société française, qui le considère comme un document sur la banlieue. Les deux jouent sur les concepts d’inclusion et exclusion, fascination et abjection présentés dans la belle entrée en matière d’Anne Raulin, qu'on peut relire en tant que clôture.

Bref, il convient d’entrer dans le livre – comme dans les villes divisées – « par réfraction », en se frayant soi-même son chemin, sans suivre nécessairement l’ordre des chapitres et sans s’attendre à un parcours guidé, et donc figé.

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Bibliographie


Giulia Carabelli, The Divided City and the Grassroots. The (Un)making of Ethnic Divisions in Mostar (Basingstoke : Palgrave Macmillan, 2018).

Aurelie Choné, et alii(In)visibles cités coloniales. Stratégies de domination et de résistance de la fin du XIXe siècle à nos jours (Paris : Orizons, 2015).

Michel De Certeau, L’Invention du quotidien I. Arts de faire. P(aris : Gallimard, 1990 [1980]).

Carla Alexia Dodi,  Villes invisibles en Méditerranée. Naples, Tanger, Alexandrie (Paris : Harmattan, 2010).

Erik Harms, Saigon’s Edge. On the Margins of Ho Chi Minh City (Minneapolis : University of Minnesota Press, 2011).

Christian Jouhaud, Dinah Ribard et Nicolas Shapira, Histoire, littérature, témoignage. Écrire les malheurs du temps (Paris : Gallimard, 2009).

Anna Madœuf et Raffaele Cattedra (ed.), Lire les villes (Tours : Presses universitaires François-Rabelais, 2012).

Lorenza Mondada, La Construction des savoirs urbains dans l’interaction et dans le texte (Paris : Anthropos, 2000).

Peraldo Emmanuelle (ed.), Literature and Geography: The Writing of Space throughout History (Newcastle upon Tyne : Cambridge Scholars Publishing, 2016)

Tony Samara, Cape Town after Apartheid. Crime and Governance in the Divided City (Minneapolis : University of Minnesota Press, 2011).

Christian Topalov et alii (ed.), L’Aventure des mots de la ville. À travers le temps, les langues, les sociétés (Paris : Robert Laffont, 2010).

Straight Lines

Living Cities, Tate Modern.

Barjeel Art Foundation Collection: Imperfect Chronology – Mapping the Contemporary II, Whitechapel Gallery, 23 August 2016 – 8 January 2017

Gideon Mendel: Dzhangal, Rivington Palace, 6 January - 11 February 2017

 

In a corner of the Living Cities display, at Tate Modern’s Switch House, hangs a photograph of the Swiss-French architect, writer, and civic planner, Charles-Édouard Jeanneret-Gris, better known as Le Corbusier. The modernist—dressed in a heavy black coat and bowtie, sporting his characteristic thick black-rimmed glasses, eyebrows raised slightly and brow furrowed—seems to be in the middle of a conversation, poised to answer the questions posed by the artists and viewers around him.

The photograph is part of Kader Attia’s installation, Untitled (Ghardaïa), which also consists of a photograph of another French architect, Fernand Pouillon, a copy of UNESCO’s certificate designating the city of Ghardaïa a World Heritage Site, and, finally, laid out in a circle, overlooked by the photographs and certificate, a three-dimensional model of Ghardaïa built entirely from couscous. Le Corbusier visited Algeria in the early 1930s, and the trip, along with his travels in South America, greatly influenced the ideas he developed around urbanism. However, in the grand plans he later proposed for different cities, he rarely acknowledged his debt to the indigenous architecture he encountered in Algeria, and little attention has been paid to his appropriation of the Mzab architecture of Ghardaïa since. Furthermore, Le Corbusier’s aesthetic has been reproduced throughout the world, especially in huge, concrete low-income housing projects, like in Paris, where many of the Algerian immigrants who have arrived from the former colonized nation now live.

Attia hopes to highlight these cycles of influence and migration in his installation. He comments on the ways that mid twentieth-century modernist schemes for housing became laboratories for social engineering, rather than the utopian models of communal living they were intended to be by their avant-garde planners. While Attia’s installation fails in part – the use of a staple diet as a marker of identity comes across as reductively ethnicizing in an installation that hopes to uncover irreducibly complex routes of appropriation – the photograph of Le Corbusier sticks with the viewer as a floating, overarching sign.  

As James Scott wrote in Seeing Like a State, Le Corbusier was “the embodiment of high-modernist urban design… a Colonel Blimp, as it were, of modernist urbanism.”[i] He proposed sweeping plans for urban restructuring in Paris, Algiers, Sao Paulo, Rio de Janeiro, Buenos Aires, Moscow, Stockholm, Geneva, and Barcelona. Due to the immense financial and political backing required for his monumental city-planning schemes, most of the proposals were never implemented, and remained theories on paper. Among the few gargantuan schemes that were brought to completion are Chandigarh, the planned capital of India’s Punjab, and L`Unite d`Habitation, a residential complex in Marseilles. Despite the failure of many of his individual proposals, his influence is ubiquitous. The Athens charter of the Congres Internationaux d’Architecture Moderne (CIAM), the key document of urban planning after World War II, devotedly reflects his ideas.

As many modernists, Le Corbusier embraced the machine-age, advocating for the transformation of dense and organically tangled cities into ordered and centralized networks. He obsessively repeated straight lines and right angles in his designs. He wrote in The Radiant City:

An infinity of combinations is possible when innumerable and diverse elements are brought together. But the human mind loses itself and becomes fatigued by such a labyrinth of possibilities. Control becomes impossible…. Reason…is an unbroken straight line… in order to save himself from this chaos, in order to provide himself with a bearable, an acceptable framework for his existence, one productive of human well-being and control, man has projected the laws of nature into a system that is a manifestation of the human spirit itself: geometry.[ii]

Based in monumentalism and linearity, Le Corbusier hoped to convert curves and crowded meeting places into rectilinear axes and grandiose squares with little regard for existing traditions. His impatience with disorder led him to maniacally prescribe models that throttled social habits and smoothed over complex histories. This model of development naturally resulted in austere and rigid plans that had no basis in the actual daily lives and aspirations of people beyond the basic functions of eating, sleeping, and working.

Many contemporary diasporic artists have attempted to engage the architectural modernism of planners like Corbusier, appropriating it and challenging it to resurrect the histories hidden by an obsession with straight lines and grids. An artist prominently displayed in the Living Cities exhibit, Julie Mehretu, is one of these artists. Mehretu, one of the most sought-after contemporary artists, invokes geography and cartography by layering diagrams, maps, and abstract marks in densely packed works, and often incorporates ordered and rectilinear architectural plans in her paintings. However, she subverts them by layering the black-and-white plans with personal marks, often colorful lines and curves drawn over and across the plans.

In the painting on view at Tate Modern, Mogamma, A Painting in Four Parts: Part 3 (2012), outlines of different architectural monuments associated with recent social movements blend with one another, among them Cairo’s Mogamma, Addis Ababa’s Meskel Square, and New York’s Zuccotti Park. The plans are rigidly and meticulously traced from digital photographs and consequently overlaid with freely rendered marks. This intermingling of the plans with the artist’s individual marks produces a palimpsest—an indeterminate space, which is at once the straight lines of modernism and the specters of personal and communal memories buried between and inside them. It is abstraction, but it is also the laying bare of the conceits of abstraction, forcing geometry—the foundation of architectural modernism—to come to terms with history.

In his book, The Production of Space, Lefebvre challenged the presumed innocence and neutrality of the architect, pointing out the ways in which architectural discourse “caricatures the discourse of power,” suffering “from the delusion that ‘objective’ knowledge of ‘reality’ can be obtained from graphic representations.”[iii] Mehretu is similarly interested in the link between architecture and power, in the way space is never neutral: “I think architecture reflects the machinations of politics, and that’s why I am interested in it as a metaphor for those institutions. I don’t think of architectural language as just a metaphor about space, but about spaces of power, about ideas of power.”

Across the River Thames, in Whitechapel Gallery, hang four drawings that also deal with Cairo’s architectural plans, taken from Susan Hefuna’s Cairotraces series. The gallery’s exhibition, Barjeel Art Foundation Collection: Imperfect Chronology – Mapping the Contemporary II, is interested—in much the same way as Living Cities at Tate Modern—in the ways narratives of nationalism, migration, and trade relate to the social and architectural cartographies of urban spaces.   

Hefuna’s drawings are an attempt at modelling the architecture of Cairo through the subjective act of walking through and between it and later sketching from memory. Each drawing consists of two layers, one on white paper and the other on tracing paper, which gives the two-dimensional surface a sense of volume. But the object of the exercise is not to be literal. Instead, the representations are better classified as lateral, approaching the grids and straight lines of the city sideways, obliquely, off the mark in their playful imitation of the plan without fully losing the trace of geometry. As a result, even as they evoke the abstract, rectilinear forms of modernist architecture and urban plans, they also remind the viewer of other structures, such as mashrabiya latticework or molecular patterns, destabilizing, in the process of drawing, what Henri Lefebvre termed as “the order of power, the order of the male,” or, “the cult of rectitude, in the sense of right angles and straight lines.”[iv]

Moving further towards a critique of the assumed link between geometry and reality, Lefebvre particularly pointed out Le Corbusier and the moral weight assigned by him to certain forms: “It [architectural discourse] only too easily becomes—as in the case of Le Corbusier—a moral discourse on straight lines, on right angles and straightness in general, combining a figurative appeal to nature (water, air, sunshine) with the worst kind of abstraction (plane geometry, modules, etc.).”[v] Considering this critique, Hefuna’s drawings become an important intervention in the masculine and moral order of the straight line, enabling us to glimpse at a reality which is dizzying in its illegibility, despite remaining, all the while, in dialogue with the rigid structures of modernism.

Finally, an exhibition that deals directly with the tangled disorder of displaced communities, spaces that defy the planned utopias of modernism, is Gideon Mendel’s Dzhangal. Installed in the Autograph ABP gallery at Rivington Palace, the show puts on display everyday objects—toothbrushes, playing cards, trainers and clothes—that Mendel collected during visits to the refugee camps at Calais, which were demolished last year.

The refugee camps had grown over several years, haphazardly adjusting to space as increasing numbers of migrants streamed in. Even the very name given to the camps, “Jungle,” signals their organic difference from urban plans; surely a nightmare for Le Corbusier—a clear failure of geometry to render obsolete tangled, sedimented disorder and the histories of violence that give birth to it. Interestingly, the artist, Gideon Mendel, tries to do precisely that: attempt to bring order to tragedy by installing the objects in neat patterns. The toothbrushes are lined up in rows, torn jackets hung up on a clothes rail, teargas canisters grouped together. The objects are also photographed, either individually or in groups, and the photographs are hung on the walls of the gallery. The viewer is caught between the dirt, rust, and ashes marking the objects, claiming them as traces of irreconcilable catastrophe, and the desperate attempts to categorize and order them.

Is it possible to make sense of such violence, depict it in an unwavering, straight line? In Mendel’s installation, the intricate and complex routes of migration are packaged in rows for a sympathetic audience. There is no attempt to grasp the social and political implications of the disorder, to critically interrogate the objective documentation of artefacts. The horror is reduced to straight lines.



Footnotes

[i] James C. Scott, Seeing Like A State (Yale University Press, New Haven, 1998), p. 103-4.

[ii] Le Corbusier, The Radiant City, trans. Pamela Knight, Eleanor Levieux, Derek Coltman (Faber and Faber, London, 1967), p. 82-3.

[iii] Henri Lefebvre, The Production of Space, trans. Donald Nicholson-Smith (Blackwell, Oxford, 1991), p. 361.

[iv] Ibid., p. 305.

[v] Ibid., p. 361.